Par Renée Carayon
Le château, la Forge, la Bégude
À l’ouest de la ville d’Uzès, lorsqu’on prend la direction d’Alès, plusieurs communes se succède au long de la route Montaren, Serviers, Aigaliers, Foissac jusqu’à Baron, à treize kilomètres d’Uzès, dont l’Arque, le vieux Donjon perché sur sa colline, attire le regard.
Baron est une petite commune de 1006 hectares de superficie et de 199 habitants. Elle comprend dans son centre la mairie, l’école, le temple, la chapelle qui remplace l’église dont la construction menaçait, et l’épicerie, seul commerce de l’endroit.
Tout près, le Mas de Sarrel et, au long même de la route d’Uzés à Alès qui traverse la commune, le quartier du Grand chemin qui se prolonge, avec des constructions récentes jusqu’au centre du village.
Plusieurs hameaux de notoriété ancienne sont implantés aux quatre coins de la commune :
- Bezuc, blotti sous Dève, la montagne, offre un aspect particulièrement pittoresque.
- Le Mas de Fabre est placé à l’arrivée de la route de Colorgues, au pied du massif de l’Arque.
- Le Mas de Clara, à l’autre extrémité de la commune, du côté de Saint-Maurice de Cazevieille et augmenté de nouvelles habitations.
Au centre de la commune, au bord de la route, à mi-chemin environ entre Uzès et Alès se trouve le lieu-dit de Font Couverte. C’est son histoire que nous allons essayer de retrouver.
Font Couverte comprend l’ancien Château de Baron, manoir du XVIe siècle, en retrait de la route, près d’une frondaison de platanes. Une construction moderne est jouxtée à lui.
À une centaine de mètres du côté d’Uzès, au bord même de la route, selon leur première destination, se trouvent l’ancienne forge et l’ancienne bègue, réunies de nos jours dans une seule propriété devenue copropriété familiale, les bâtiments sont suivis d’un grand parc qui longe la route jusqu’à la mitoyenneté du Château.
Le nom de Font Couverte provient vraisemblablement de la source couverte qui se trouve derrière Font Couverte. Elle est construite sous la petite route qui relie Bezuc à la grande route.
C’est une pièce d’eau voutée, de construction ancienne, à proximité du lieu-dit les Chênes, dont l’emplacement entouré de chênes séculaires avec la source proche, dénonce un lieu privilégié. Une présence celtique, ou gallo-romaine est probable.
Le Château de Font-Couverte
1° Famille de Brueys
Pierre Brueys, notable nîmois, fait construire le château de Font Couverte au début du XVIe siècle.
Sa porte d’entrée à caissons de pierre dénonce le style de l’époque. Une tourelle carrée dépasse à peine les bâtiments. Placée de côté une tour pigeonnière arrondie subsiste encore.
Le 24 décembre 1513, Jean de Saint-Galais, évêque d’Uzès, inféode la seigneurie de Font Couverte à Pierre Brueys, avocat à Nimes.
D’une lignée de notables : il y a un Pierre Brueys, consul de Nimes en 1458, docteur en droit, notaire en 1459, avocat des pauvres en 1460.
Pierre Brueys obtient des lettres d’anoblissement au mois d’août 1558. Les armes de Brueys de Font Couverte sont d’or, au lion de gueule armé et lampasse de même, à la bande d’azur chargée de trois étoiles d’or.
Les Brueys de Font-Couverte sont séparés du tronc commun des Brueys, famille de noblesse languedocienne établie. On en distingue plusieurs branches : de la Calmette, de Souvignargues, de Saint-Chaptes et celle de Flaux dont l’amiral de Bueys, tué à Aboukir en 1798, est un illustre représentant.
Pierre Brueys de Font Couverte adopte les principes de la Réforme et les lègue à ses descendants.
Le 29 août 1593, il épouse Marguerite de Jossaud dont il a un fils Denys qui lui succède.
Denys de Brueys sert avec distinction sous Lesdiguières. Il s’illustre en particulier en 1608 lorsque le maréchal le charge, avec Brunet, de lever les plans des principales places fortes de Lombardie. Déguisés tous deux en moines cordeliers, ils s’acquittent avec bonheur de cette mission dangereuse. En récompense de ses services, Louis XII lui accorde une place de gentilhomme de sa chambre.
Appelé Denys comme son père, Denys II seigneur de Font Couverte épouse en secondes noces Suzanne de Chaux dont il a sept fils et une fille.
Les troubles de la Réforme vont alors peser lourdement sur la famille Brueys et influencer la vie de ses enfants.
Le fils ainé, Daniel, seigneur de Font Couverte, épouse en secondes noces Françon de la Tour Malerargues qui lui donne cinq enfants.
Une de ses filles, Anne, se marie avec le pasteur François Durant dit Durant-Font-Couverte. Celui-ci exerce son sacerdoce à Genolhac, puis à Uzès. Contraint de s’expatrier, il se réfugie à Schaffhouse, où il est chapelain du régiment de son parent, Charles d’Aubussargues émigré comme lui.
Ensuite il devient révérend de l’île de Guernesey et y reste.
Ses petits fils portent les armes de Font Couverte dans leur blason.
Un fils cadet de Denys II, Jacques de Brueys, baron de Bezuc, capitaine d’infanterie va s’expatrier. Il se réfugie à Francfort sur l’Oder où il épouse Gertrude Müller. Il en a onze enfants.
Un autre fils de Denys II, Jean-Jacques de Brueys, seigneur de Bezuc, épouse le 22 décembre 1647, Isabeau de Froment de la seigneurie de Saint-Jean-de-Ceyrargues.
Les familles Froment de Saint-Jean-de-Ceyrargues et Brueys de Font Couverte sont étroitement liées, unies par les mariages : Le frère d’Isabeau, Théophile de Froment de Saint-Jean-de-Ceyrargues va épouser Isabeau de Brueys, la sœur de Jean-Jaques, le 21 novembre 1658.
Leurs convictions religieuses obligent le couple à s’expatrier tandis que Jean-Jaques et Isabeau de Brueys doivent rester à Uzès retenus par de jeunes enfants et des affaires embrouillées.
Au moment où les persécussions s’acharnent sur leurs familles, ils essayent de protéger les biens des fugitifs : après avoir saisi les terres et les maisons des Froment de Saint-Jean on vend leurs meubles sur la place publique à Uzès le 22 mai 1685.
Jean-Jacques de Brueys de Bézuc et Isabeau de Froment ont cinq enfants dont trois eurent une destinée remarquable.
Nous nous devons d’évoquer ici leurs vies mouvementées qui sont à la gloire de leur pays d’origine, à la gloire de Font Couverte de Bézuc et de Saint-Jean-de-Ceyrargues.
1- L’aînée, Marie de Bézuc, née en 1672, épouse Jean de Bramaric seigneur de Tremons. Alors que sa sœur Anne et son frère Philippe décident de s’expatrier pour préserver leur liberté religieuse, Marie reste à Uzès pour s’occuper des biens familiaux.
Nouvelle convertie par force, elle montre ouvertement sa croyance en refusant de recevoir l’évèque et le curé d’Usés auprès de son mari mourant. Plus encore, elle a offert l’hospitalité et ses soins à un soldat huguenot malade pour qu’il puisse mourir dans sa religion sans être tourmenté.
Le curé d’Uzès va plusieurs fois pour le voir, insiste, mais Madame de Tremons refuse son entrée auprès du mourant.
L’affaire fait grand bruit à Uzès. Madame de Tremons est condamnée à une amende importante et à trois années d’emprisonnement dans le Château de Beauregard. Elle est d’abord incarcérée au Château de Nimes. On l’oblige à vendre son domaine pour payer l’amende à laquelle elle a été condamnée. Le Roi de Prusse intervient pour elle en invoquant la mémoire du Capitaine de Tremons, son mari, et sa carrière militaire au service de la France. Sa grâce n’est pas accordée parce qu’elle n’a pas changé de sentiments, « Obstinée dans les erreurs de la R.P.R. ». [ndt Religion prétendue réformée]
Elle est alors transportée et retenue dans l’Abbaye d’Alès. Elle n’est libérée qu’en 1740, et meurt pendant le voyage vers l’allemagne en voulant rejoindre sa sœur Anne qui s’est réfugiée à Berlin.